Depuis hier, le piratage du compte facebook de Cyrine Ben Ali Mabrouk, fille du président déchu, fait le buzz. Une polémique sur les messages que la dame a reçus avant et après le 14 Janvier de la part de ses amis, de ses ex-employés et des lèches-bottes aussi …
Pirater le compte de quelqu’un semble être de nos jours une fierté. Normal, puisqu’aujourd’hui on se permet tout, au nom de la révolution. On se permet même d’agresser l’intimité des autres et d’utiliser les mêmes méthodes de Zaba pour intimider, insulter et harceler l’« ennemie ».
A l’époque de Ben Ali, ses chiens utilisaient ces mêmes méthodes d’espionnage. Ils avaient le culot de pirater des comptes facebook et des boites mails pour voir les plans de tel activiste ou les liens d’un autre. Ainsi, on trouvait à chaque fois, tel ou tel militant lynché dans la presse nationale parce qu’il était invité à une conférence internationale ou tout simplement parce qu’il écrivait ses emails en anglais. Et on trouvait, toujours, des excuses (le bien du pays, la sécurité nationale, la lutte contre le terrorisme) pour ce genre de pratiques.
A l’époque, nous étions scandalisés, à chaque fois que quelqu’un de nous trouve son compte piraté et utilisé par son hacker. On était scandalisé et humilié car l’attaque ne touche pas uniquement le compte numérique mais aussi la personne et ses sentiments les plus intimes.
A l’époque, nous avons cru ferme comme fer que ces pratiques ne pourront être que l’œuvre d’un dictateur, stupide, se permettant tout même au détriment de la morale.
Aujourd’hui, on se rend compte que nous, « révolutionnaires », faisons la même chose que Ben Ali. Au nom de la révolution, on se venge stupidement de l’ « ennemie » même au détriment de nos principes et de notre orgueil. Le piratage du compte de Cyrine Ben Ali est la meilleure preuve. Mais elle n’est pas la seule car les photos et vidéos de Leila Ben Ali, la communication téléphonique entre elle et son gendre Sakher Matri font partie aussi de cette stratégie de vengeance instrumentalisée.
Et loin de la morale et de l’éthique, je pense que ces révélations ne servent pas la révolution. Au contraire, il est clair que ces scandales de très bas niveau servent les intérêts des clans mafieux qui se disputent le pouvoir jusqu’aujourd’hui. Malheureusement, il se trouve que maintenant quelques blogueurs et admins de pages facebook sont assoiffés de scoops au point qu’ils servent directement et indirectement les intérêts de ces clans. Et ces derniers n’hésitent pas à utiliser ces activistes pour s’attaquer ou se défendre avec notre enchantement et nos applaudissements.
Un dernier mot :
Cyrine Ben Ali était la propriétaire de Shems FM dont laquelle j’ai bossé 5 mois avant d’être harcelée, agressée, menacée et renvoyée par la direction. J’ai de très mauvais souvenirs dans cette radio, surtout les derniers jours (avant le 14 Janvier) où j’étais écartée de toute activité et de l’équipe de rédaction. Mais …. Mais, je ne peux que respecter Cyrine Ben Ali. Et je ne garde qu’une bonne impression de cette dame. Elle était à mes connaissances loin de l’harcèlement que j’ai subit … elle avait une bonne réputation dans la radio car elle était simple, intelligente, généreuse, aimable, respectueuse. Mon seul souci avec elle, était sa ressemblance extrême avec son père au point que je ne pouvais pas la fixer de regard (ça me dégoutait en quelque sorte).
Si non, et si j’étais à la place de Mahdi Houas (un animateur dans la radio qui lui a envoyé un message de remerciement révélé lors du piratage), je ne trouverais aucun mal à la soutenir ou à la consoler car sa seule faute est qu’elle est la fille d’un dictateur. Je pense qu’on est quand même d’accord que personne ne choisit ses parents …
Je pense que Cyrine Ben Ali (et toute sa famille) doit assumer le fait que son argent n’est pas le sien et que son pouvoir n’est plus légitime. Mais je suis triplement convaincue que nos médias ne doivent plus se permettre le lynchage, et nos activistes ne doivent plus se laisser au plaisir de voyeurisme.