samedi 18 juin 2011

Rêver, d'une liberté d'expression, est-il un crime?



Quand on m’a proposé d’animer une émission de télévision « le cinéma là et maintenant » à la chaine nationale ex TV7, on m’a dit : « ça sera une émission qui valorise le cinéaste tunisien. Une émission qui nouera une nouvelle relation entre le public et le cinéma dans une Tunisie enfin libre…». 

Chaque semaine, on invite un cinéaste pendant 26 minutes puis on offre au spectateur un long métrage tunisien. J’avoue que cette émission a permis  au public tunisien de découvrir des héros dans le cinéma tunisien (Nadia Touijer, Amel Hethili, Mehdi hmili, Mohamed Ben Smail et beaucoup d’autres). Elle a aussi diffusé des films censurés à l’époque de Ben Ali …

Je me suis dit, c’est l’occasion de servir une cause (l’art, le cinéma, la culture) à une grande échelle et pas seulement sur Internet ou dans de petites rubriques radiophoniques. Donc, je me suis forcée  d’accepter les conditions de travail, insupportables et à m’adapter à l’environnement appauvri d’humanité, de respect et du professionnalisme. 

Après un séjour entre Washington et Genève, je reviens et je  découvre que la production a toléré la censure de deux séquences du film « Khorma » de Jilani Saadi. 

Avant cette découverte, aujourd’hui, vendredi 17 juin 2011, j’avais rendez-vous, le matin, avec le producteur et deux invités. Ce dernier était assis devant moi, silencieux, alors que je viens d’avoir la nouvelle sur facebook :  le film diffusé hier était censuré et  son réalisateur n’était même pas au courant de la diffusion de son œuvre. 

En lui posant la question « pourquoi et comment cette censure ? », le producteur m’a tout simplement répondu que c’est l’affaire de l’administration ou la direction de la chaîne nationale. Que Jilani Saadi a vendu son film à la chaine nationale à l’époque de Ben Ali et qu’elle a tous les droits d’en faire ce qu’elle voit juste. 

Révoltée, je demande qu’on envoie une lettre d’excuse officielle au réalisateur pour cette censure et  ce manque de respect énorme envers l’artiste et son œuvre cinématographique. Mais le producteur a refusé. J’ai gardé le silence pendant les deux rendez-vous avec les invités. 

Quand l’heure est venue pour aller au tournage, j’ai essayé encore une fois d’aborder le sujet. Le refus était, cette fois, encore plus violent. Et en arrivant au plateau du tournage j’ai reçu cette seule réponse   « ce n’est pas notre problème ! On n’est pas obligé de présenter des excuses et ça te concerne, de toute façon, pas … ». 

A ce moment, j’ai décidé de quitter immédiatement le tournage, laissant derrière moi, les injures du producteur « je n’ai plus besoin de toi ! Tu n’es pas responsable ! Tu ne connais rien de l’éthique du métier !! Quand est-ce que t’es venue toi pour me parler de l’éthique ?!! Gamine!! » 

Bien sûr qu’on a plus besoin de moi. On a besoin, plutôt  des bêtes formatés qui approuvent et obéissent à tous les ordres. C’est vrai que je suis irresponsable, car je m’assume et je ne trahie jamais mes valeurs et ma dignité. L’éthique des vieux bornés d’un vécu malheureux de censure et de soumission ne me concerne pas. Je suis libre et je le resterais pour toute ma vie. Et je sais que, dans une société comme la nôtre, mon défaut est fatal … 

Encore une fois, je me retrouve face à ces gens sans crédules, indifférents et arrogants, qui essayent de me persuader que mon univers est utopique et que je demande trop et que je dois me taire et apprendre au lieu de donner des leçons … encore une fois, je sens ce gout amère de me sentir handicapée, devant ces stupides qui croient tout savoir et qui veulent nous faire penser que sans leur savoir on ne vaut rien …  
 Encore une fois, je suis mon intuition qui ne m’a jamais trahie … encore une fois je dis non  et je rêve  d’une Tunisie libre, JEUNE, et forte !!! 

Liens vers l’émission « Cinéma là et maintenant » :

                                                                

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